En cette année «délicate» sur le plan politique avec les municipales en ligne de mire, le maire de Bordeaux a annoncé hier les orientations qu’ il a retirées des différentes réflexions conduites ces derniers mois. Si Evento est mis en standby, le soutien aux associations et initiatives culturelles va voir son budget tripler. 


Si son adjoint à la Culture, Dominique Ducassou, et sa directrice des Affaires culturelles, Brigitte Proucelle, étaient dans la salle, c’est seul face à la presse, venue en nombre, qu’Alain Juppé a choisi de livrer le fruit de ses réflexions. C’est que, dans la perspective des élections à venir, il s’agit pour lui de dessiner les lignes de sa future politique culturelle du prochain mandat qu’il briguera. Bref, Alain Juppé fait campagne et mise gros sur le volet culture, «un axe fort» de son action.


Pas de projets d’avenir sans bilan, et c’est donc avec un rapide tour d’horizon du travail accompli jusqu’ici qu’il a ouvert le bal. Sur l’air d’un global satisfecit, le maire a souligné les grandes réussites d’une «offre culturelle d’une très grande richesse». Pêle-mêle, le «très grand succès» de l’Auditorium, l’intégration de la Rock School Barbey au sein de la Smac d’agglomération, l’installation de résidences BD à la maison du Professeur-Demons, l’augmentation «spectaculaire» de la fréquentation du TnBA sous la houlette de Dominique Pitoiset... 


Et des chantiers en cours : rénovation de la bibliothèque centrale (et éclosion de nouvelles dans les quartiers), du musée des Beaux-Arts et du Muséum d’Histoire naturelle. Encore à venir, l’arrivée de la Maison de la danse à Gingko, du nouveau bâtiment des Archives rive droite, la finalisation prochaine de l’installation de Darwin à Niel (et Pola qui «pourrait, je l’espère, s’installer dans Darwin 2»).


Ajoutez à cela la vingtaine d’événements soutenus chaque année – Novart, Agora, le Festival international du film indépendant (Fifib), Relâche, Ritournelles, Chahuts, Itinéraires de photographes voyageurs... «Ce qui fait dire aux nouveaux Bordelais qu’il se passe des choses tous les jours à Bordeaux.» 


Evento attendra les élections

En résumé, cela donne: «Sous l’impulsion de l’adjoint à la culture et de la Direction des affaires culturelles, nous avons développé une offre culturelle dont nous sommes légitimement fiers.» Mais au sortir des deux éditions d’Evento pour lesquelles l’accueil avait été pour le moins mitigé, la question de la nécessité d’un grand événement avait été mise dans la balance: «Ces deux éditions ont eu de grands mérites, quoi qu’en dise le dénigrement courant dans un certain milieu culturel. Mais c’est vrai qu’il n’y a pas eu de moments de communion générale comme il peut y en avoir à la Fête du fleuve ou du vin», a admis le maire.


D’où la réflexion “événementielle” commandée à Clarac et Deloeuil où chacun avait été amené à réflechir à ce sujet (notre édition du 1er mars). 
De son côté, la première conclusion qu’Alain Juppé en retire, c’est qu’«un grand événement est utile, tant sur le plan de la visibilité extérieure que pour créer des moments de partage et de convivialité». Mais pour bien faire, il aimerait qu’un tel événement soit porté à la fois par la ville-centre et la CUB, le Département, la Région. «Il serait bon de retrouver tous ensemble l’esprit qui nous avait réuni lorsque nous préparions la candidature de Bordeaux capitale européenne de la culture», a-t-il souligné. Mais dans le «contexte délicat» actuel, municipales obligent, une telle démarche – et donc un potentiel retour d’Evento – devra attendre l’après-élection.



Novart et Agora renforcés, le Fonds d’aide à la création triplé!

En attendant, l’occupant du Palais Rohan a décidé de renforcer deux «événements majeurs» de la ville. Tout d’abord, Agora (porté par la Direction de l’aménagement), «qui a un retentissement européen et a la vertu d’attirer à la fois des professionnels de haut niveau – architectes, urbanistes, designers... – et d’intéresser le grand public». Ensuite, Novart «qui a trouvé petit à petit sa place et sa cohérence: d’une programmation dispersée, elle s’est renforcée autour d’un fil conducteur plus clair». Tout en restant biennale sur le papier, la manifestation prendra le relais d’Evento en 2013 et reviendra aussi en 2014.


Mais la grande annonce réside dans l’augmentation conséquente du Fonds d’aide à la création : actuellement à 150 000€ annuels, il va plus que tripler dans le budget 2014 pour être porté à 500 000€. Autant d’argent qui ira aux associations, initiatives et projets locaux pour «favoriser l’émergence de nouvelles créations».


Et pour ne pas être taxé de clientélisme électoral par arrosage de subventions tous azimuts, il a annoncé dans la foulée «un changement dans le mode de gouvernance de ce fonds». Exit la Direction des affaires culturelles seule aux manettes, il s’agira que les «choix forts» en direction de toutes les disciplines artistiques soient le fait d’un «comité indépendant pour éclairer nos choix». En son sein, des représentants de grandes institutions de la ville (TnBA, Opéra, CAPC, Conservatoire...) mais aussi des personnalités issues de structures de l’agglo – et de citer le Carré-les Colonnes, le Cuvier, le Rocher de Palmer... Le tout chapeauté par une «grande personnalité indépendante». Le nom et la composition de ce comité ne devraient pas être connus avant «plusieurs mois». • 


Sébastien Le Jeune

Photo : © Archives BX7