Pour passer le cap délicat des baisses générales de subventions, le Théâtre du Pont Tournant a dû se restructurer en profondeur et donne en ce moment des soirées de soutien avec l’excellent Sir John. Entretien avec Stéphane Alvarez, son directeur.


Des soirées de soutien au théâtre, il y en avait déjà eu par le passé – une tradition?

Non, pas du tout. Oui, nous en avions organisé il y a cinq ans lorsque les premières difficultés s’étaient faites jour. Mais cette fois-ci, l’initiative revient à l’association des Amis du Pont Tournant, suite à la baisse conséquente des subventions, en particulier celles du Conseil régional en juillet dernier, qui nous a obligé à nous restructurer complètement.


Les Amis, qui réunissent spectateurs, artistes et sympathisants, sont un soutien précieux à l’année, par leur bénévolat et leur recherche de mécénat. Ces soirées de soutien sont sans billetterie mais l’entrée se fait au don, de 20€ minimum (défiscalisable à hauteur de 66%), qui entraîne l’adhésion à l’association et donc droit à des tarifs préférentiels sur la saison prochaine.



Ces soirées sonnent le retour d’un grand du burlesque visuel et du bruitage, Olivier Sir John...

En effet, «Sir John is Back»! Je suis très heureux de l’accueillir, car il a été l’un des comédiens qui m’a aidé à monter le théâtre il y a 15 ans. Depuis, il a fait une carrière phénoménale, avec plus de 1 000 dates pour son premier spectacle, dont quatre ans de succès au Point-Virgule à Paris ! Olivier nous fait l’honneur de venir jouer gratuitement par amitié, pour nous soutenir. Et, surtout, même si on va voir quelques anciens numéros, il nous donne la primeur de ses nouveaux sketches, juste avant son départ pour le Québec où il part terminer le nouveau spectacle avec Courtemanche!



Il y aura donc une saison 13-14 au Pont Tournant. Où en est le théâtre actuellement?

Oui, nous préparons la saison prochaine. Nous allons quelque peu réduire la voilure, mais pas tant que ça: dans l’ensemble, les spectacles fonctionnent. Que ce soient les grandes têtes d’affiche (Jean-Claude Dreyfus, Daniel et William Mesguich), la création régionale ou la troupe du Pont Tournant, la programmation est bénéficiaire. 
Mais nous avons dû nous séparer de presque tous nos permanents: administrateur, secrétaire-comptable, régisseurs, accueil du public, promotion des créations en vue de leur diffusion...

De sept permanents, nous sommes passés à un seul. En plus de la mise en scène et de la direction, j’assure désormais aussi la régie et la billetterie, ma compagne Carole, comédienne, se charge des tâches administratives… Impossible de faire tourner le théâtre normalement, toute la journée. C’est une situation d’extrême précarité, mais nous nous disons qu’il serait dommage de baisser les bras à l’heure où Bacalan est en pleine redynamisation avec 5 000 nouveaux habitants attendus.


Comment réagissent les pouvoirs publics?

Pour l’instant, rien de ce côté-là. On peut s’interroger sur l’intérêt de concentrer les moyens sur de l’événementiel et sur les grosses structures au détriment des plus petites. Et je suis déçu, par exemple, que Dominique Ducassou [adjoint à la Culture et président du conseil d’administration de l’Opéra, ndlr] n’ait jamais envisagé de consacrer une part des 1,5 million d’euros d’excédent de l’Opéra pour nous venir en aide – alors même que nous faisons jouer des formations de musique de chambre de l’ONBA. Si nous sommes soutenus par la ville, c’est simplement au titre de la politique de la ville et du développement social et urbain.


J’espère que l’approche des élections, municipales, régionales, va changer la donne. On sent que la culture va cette fois être un enjeu important, et j’espère qu’à l’avenir, on va enfin réfléchir au rôle social et politique du théâtre dans la cité. Pour nous, il y a une vraie adhésion au “petit” théâtre, autant de la part des habitants du quartier et de la ville, que de ceux de l’agglo et d’au-delà – certains viennent du Bassin, de Libourne ou de plus loin encore! C’est l’opportunité de mettre en avant ce travail de fond du théâtre pour l’accès à la culture pour tous (nous avons par exemple accueilli 2 000 scolaires cette année). Et de reconnaître que son rôle est aussi de participer à inventer le Bordeaux de demain. •

Recueilli par Sébastien Le Jeune 


Ce soir et demain, à 20h30, à partir de 20€ (66% déductibles des impôts). Tél. 05 56 11 06 11.

Photo : Olivier Sir John «is back»! Pour aider le Théâtre du Pont Tournant, le virtuose du burlesque vient en ami donner quelques-uns des sketchs de son futur nouveau spectacle. © Jean-Paul Hondry