Il se trame quelque chose de nouveau ces temps-ci du côté du Théâtre des Salinières, un «accouchement» pas comme les autres. À partir de ce mardi soir en effet, sera créée la toute première pièce signée Xavier Deluc, «L’Âme de fond». Ni comédie de boulevard, ni polar façon «Section de recherche», du Xavier Deluc intime.


C’est que ça fait longtemps qu’il la mûrit, cette idée, des lustres qu’il le façonne, ce texte. Vingt-cinq ans pour être exact, depuis que le comédien avait été dirigé par Jean Marais dans le «Bacchus» de Cocteau. Deluc était le «jeune premier» sous l’aile du grand homme de théâtre, âgé alors de 74 ans.


Ce face-à-face lui a inspiré une idée tenace, celle d’une confrontation entre un vieil auteur de théâtre et un jeune homme, qui «révélerait les conflits de génération, les différentes visions du théâtre, et ces terrains d’entente qu’on peut trouver dans une relation, comme entre un père et un fils», explique-t-il. «Il s’est passé beaucoup de choses dans ma vie depuis, j’ai joué dans des films, des pièces, écrit un film, un roman mais c’est marrant comme cette idée me revenait toujours. J’ai même perdu le fichier sur mon ordinateur et je l’ai réécrit entièrement!»



Pas du “tout cuit”, star ou pas

Et puis, il y a cinq ans, Xavier Deluc, à la faveur du tournage des premières saisons bordelaises de «Section de recherche» [tournées à Nice désormais, ndlr], s’installait à Bordeaux, dans le quartier Saint-Paul. À deux pas des Salinières. «Ma compagne et moi voulions quitter Paris et la vie a bien fait les choses. Nous sommes tombés amoureux de Bordeaux, et de cette vie de quartier qu’on peut avoir ici. Même si je suis connu, les gens restent simples et naturels.»


Mais c’est sur un tournage de «Section» que Xavier Deluc a rencontré Frédéric Bouchet, le patron du théâtre de la rue Buhan, qui incarnait un rôle dans un épisode de la série. L’idée de monter la pièce a tout de suite plu à ce dernier mais, “star” ou pas, il n’a pas dit oui tout de suite. «Les premières lectures ont relevé les confusions, les longueurs, les redites, précise Frédéric Bouchet. Mon expérience m’a permis de lui dire où ça ne marchait pas ou, au contraire, les choses qui pourraient être développées.» Et Xavier Deluc de renchérir: «J’ai dû beaucoup retravailler et, au bout de trois ans, j’ai eu “gain de cause”! Le texte d’origine était assez sombre et, grâce aux conseils de Frédéric, il a gagné en humour un peu cynique, en sensibilité, en poésie. J’ai pu trouver la bonne distance par rapport au sujet – et trouver ma “patte” d’auteur, aussi.»



«Une belle aventure»

Le sujet, justement, c’est l’arrivée fortuite dans la vie – et le garage – d’un auteur de théâtre âgé, sorte de Jean Marais reclus (Michel Théboeuf) d’un jeune homme un peu paumé de prime abord (Julien Boissier-Descombes). En s’aidant mutuellement, l’un à répéter une pièce, l’autre à réparer un scooter, les fossés d’incompréhension vont se combler peu à peu et un étrange lien va se nouer. L’entrée en scène de la compagne du jeune homme (Sophie Danino) n’arrangera rien, mais ouvrira la porte à certaines révélations...


Au cours des lectures, l’acteur Deluc rêvait de monter sur scène. Refusé. «Je lui ai dit qu’il était trop vieux pour jouer l’un et trop jeune pour l’autre, lance Fred Bouchet en riant. Plus sérieusement, je crois que c’était bon qu’il garde le recul sur sa pièce. Sûr que s’il avait joué dedans, les gens auraient encore plus accouru, mais ce n’est pas le but. Ce théâtre privé fonctionne toute l’année avec une quinzaine de “tubes”, cela me donne la liberté de prendre des risques et proposer une ou deux fois par an des choses différentes à notre public, de quoi le surprendre, le rendre curieux.»


À la veille de «l’accouchement», Xavier Deluc et lui vivent déjà «une belle aventure». Deluc paraît très fier («texte abouti, belle distribution, beau décor»), et, «si ça prend, j’aimerais encore faire vivre la pièce» – contact est pris avec des salles parisiennes. En attendant, c’est à découvrir dès ce soir à Bordeaux. •

Sébastien Le Jeune 


Ce mardi soir et demain, puis les mardis et mercredis jusqu’au 19 juin, 20h30, 12-20€. Tél. 05 56 48 86 86. 

Photo : Frédéric Bouchet assure avec Xavier Deluc la mise en scène de son premier “bébé” © SLJ