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Péril en la Manuf' ? PDF Imprimer Envoyer
Vendredi, 30 Août 2013 09:28

manufacture-mairie de bordeaux

On y était presque, à la première vraie saison de la Manufacture Atlantique ! Prévue dans un mois, l’ouverture paraît remise en question après que son équipe dirigeante, conduite par Frédéric Maragnani, a tiré hier la sonnette d’alarme dans un communiqué. Pour elle, le lieu serait actuellement «menacé de fermeture».


Après le départ d’Éric Chevance du TNT, la relève avait été confiée à Maragnani, directeur de la Cie Travaux publics. Celui-ci débarquait donc début 2012 avec un gros projet visant à faire de ce qu’il allait rebaptiser «Manufacture Atlantique» une scène qu’il voulait «alternative, complémentaire» des autres institutions bordelaises. Et, au coeur du projet, une volonté de favoriser «les nouvelles écritures et les émergences».
Un an et demi plus tard, lui et son équipe déchantent : bien que validé par toutes les collectivités et l’État, ce projet souffre toujours selon eux de «sous-financement chronique» : «Alors que les charges de structure sont de plus en plus lourdes (loyers, entretien d’un bâtiment qui se dégrade), les financements publics sont dangereusement en baisse : 446 500€ en 2009, 352 000€ en 2013, soit plus de 21% de perte». Bref, «les conditions de survie et de développement ne sont plus assurées».
Compromise, donc, la saison qui s’annonçait, avec un festival des émergences, «La Grande Mêlée», dès octobre, puis Novart et l’accueil d’artistes nationaux et internationaux. Au lieu de cela, Maragnani a dû se séparer de ses deux directeurs adjoints, Hervé Pons et Françoise Roux. Des licenciements économiques qui portent l’équipe de permanents à trois personnes seulement. Et même ainsi, prévient le communiqué, «le projet ne pourra subsister sans une intervention rapide des pouvoirs publics».
Une rallonge de quel ordre ? Le budget global (qui inclut aussi billetterie et location du lieu) est passé sous les 590 K€. Frédéric Maragnani chiffrait hier son ambition : «Il faudrait dépasser les 600 K€, atteindre 700 ou 800 pour pouvoir se comparer à des scènes alternatives équivalentes, le Théâtre Garonne à Toulouse ou Les Subsistances à Lyon.»


Réunion prévue en septembre
Les collectivités, elles, ne s’attendaient guère à voir cette situation étalée ainsi dans la torpeur de l’été : elles avaient promis dès juillet au directeur du lieu une réunion en septembre pour trouver une solution. Passée la surprise, on y est partagé entre principe de réalité et optimisme... et un peu d’incompréhension. Au Conseil général, pris à la gorge par ses dépenses sociales contraintes (RSA, handicap...), les subventions culturelles ont diminué pour tous, de 18% en moyenne – de 30% pour la Manuf’ dont les aides passent de 50 à 35 K€. «L’examen du dossier a suivi des critères précis et équitables, explique-t-on. La Manufacture savait que sa demande à 70K€ serait retoquée et qu’on s’acheminait vers une baisse.» De même que l’État, qui avait annoncé clairement il y a trois ans son désengagement des lieux non-conventionnés : cette année, sa part du financement, autour de 150K€, a quasiment été divisée par deux.
À la Ville, où les subventions ont été portées de 146K€ à 190K€ cette année, on se veut optimiste. Comme les autres, l’adjoint à la Culture Dominique Ducassou loue les «qualités de programmateur» du directeur. Mais, tout en estimant que «Frédéric a peut-être péché par imprudence avec des recrutements prématurés», il juge que «la crise a bon dos, et il s’agit avant tout de volonté politique». «Tous ensemble, nous devons nous activer pour la sauvegarde du lieu. Dans sa réponse à une lettre du maire de Bordeaux, le ministère a reconnu la nécessité du lieu, pas simplement pour la ville mais pour toute la région et même au-delà. J’espère que la réunion attendue permettra de trouver des solutions – peut-être réduire un peu la voilure sur l’année 1 et s’inscrire dans un schéma pluriannuel.»

Une partie de bras-de-fer ?
Son de cloche proche à la Région, qui a maintenu ses subsides de 54K€ et où on attend beaucoup de cette fameuse réunion. «On a tenté de prévenir Frédéric du décalage entre l’ambition du projet et les financements attendus, indique Frédéric Vilcocq, son conseiller Culture et économie numérique. J’espère que la réunion permettra d’une part de recalibrer le projet, de passer cette crise et de faire démarrer le lieu correctement, avec une vraie stratégie pour son avenir.» En attendant, l’incompréhension pointe : «Je suis étonné par ce communiqué à la veille d’une réunion institutionnelle. Mettre le couteau sous la gorge des collectivités risque de rendre les relations compliquées...»
maragnaniFrédéric Maragnani (photo) se défend d’entrer dans quelconque bras-de-fer : «Je ne m’inscris pas dans le temps politique mais dans celui de la création artistique. J’estime que le public a le droit de connaître la situation, et il me faut des réponses pour confirmer aux artistes leur invitation pour la saison à venir. Des réunions, il y en a déjà eu plein. Mon projet, je l’ai dessiné d’après ce que j’ai entendu du désir des différents partenaires. Or tous me disent “ton projet est formidable” mais l’investissement ne suit pas. Maintenant, j’ai besoin qu’on me dise franchement si cette scène est viable, utile aux artistes – je pense que oui – auquel cas il faudrait une visibilité sur trois ans au moins, un cahier des charges, un conventionnement. Si non, si on souhaite la fermer, je ne veux pas être jugé seul responsable : il faut que ça se décide collectivement.» •
Sébastien Le Jeune

Photos : Mairie de Bordeaux / DR

 

Climat de suspicion ?
Janvier 2013, l’universitaire Françoise Taliano des Garets, la présidente du CA de l’association de la Manufacture, claquait la porte après seulement neuf mois à sa tête. Et envoyait dans la foulée les raisons de sa démission à toutes les collectivités. Elle expliquait hier à Bordeaux7 : «Il faut distinguer le projet culturel – je pense que la ville en a besoin – et les modalités de gestion associative. L’asso reçoit l’argent public, et c’était une lourde responsabilité. Or l’équipe salariée ne me garantissait pas la visibilité nécessaire. Je voulais de la transparence, on m’a dit non alors je suis partie. Je ne suis pas un pion qu’on manipule.»
La connaissance de potentiels errements a-t-elle pu jouer dans le choix des collectivités de ne pas suivre Maragnani dans ses demandes de subvention ? Ce dernier en doute. «La gestion est transparente, les compte-rendus sont tous consultables. Il y a pu y avoir des ratés, des retards. L’insécurité économique affecte souvent tout le reste, les informations ne passent plus de manière fluide, soit. Mais en aucun cas, il n’y a un “système”. Et si c’est en raison de suspicions de mauvaise gestion que les collectivités ont reculé, là encore, j’aimerais bien qu’on me le dise !»

 

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