Moins de sexe, plus de sang et toujours autant de rythme dans la suite des aventures de «La Lionne», du duo bordelais Laureline Mattiussi et Sol Hess. Suite et fin puisque le tryptique initial a été ramené à deux tomes, sonnant le réveil d’un étrange cauchemar.


Trait, couleur, ton, sobriété des dialogues, tout concourt à charger de noirceur cette descente dans une représentation de ce que la Rome antique pouvait avoir de plus vile : des élites perverties engoncées dans une décadence extrême tandis que la populace meurt de la peste. Au coeur du récit, la Lionne, esclave sexuelle et fascinante rousse qui fera tourner – et tomber – bien des têtes. 


Le premier épisode nous avait laissé avec une Lionne en fuite, accusée d’avoir empoisonné le consul Publius à qui elle avait été “louée” pour un an. On la retrouve dans une errance dans les faubourgs de Rome où elle et son compagnon de fuite, le Juif Samuel, vont rencontrer un étrange cavalier. Cependant que, dans Rome qui tombe sous les coups d’une peste ravageuse, l’obsession pour la Lionne est à son comble : intrigues, meurtres, coups bas. «Où est la Lionne ?» Dessin enlevé, couleurs fauves, récit haletant, on tremble jusqu’au bout pour notre héroïne.


Autant le sexe avait été le centre de gravité du premier volume, autant c’est bien la mort qui plane sur tout le second. «Bien plus que le sexe, c’est bien des rapports de domination et de pouvoir, de vie et de mort que nous voulions développer avec cette histoire», explique Sol Hess, déjà adepte d’un rock assez climatique et sombre avec ses Sympatiks, et dont c’était le premier scénario de BD – la première collaboration aussi avec Laureline Mattiussi, sa complice “à la ville comme à la scène” selon l’expression consacrée.



Plongeon dans l’obscurité

Et de poursuivre : «De nombreux historiens démontent ce “fantasme” d’une Rome décadente ; les Romains étaient en fait assez prudes. Mais il y avait là un cadre d’orgies, de bas-fonds, de ville au bord de la mort qui appelait l’urgence, la noirceur.»


Un plongeon dans l’obscurité qui s’en ressent même dans le trait de Mattiussi. Presque 
dépouillé dans le tome 1, il se fait épais, torturé, puissant. «Quand l’éditeur nous a dit que, malgré le succès critique, on n’aurait qu’un seul tome pour développer la suite, il a fallu que Sol réécrive toute l’histoire, que je découpe à nouveau tout le story board, précise la dessinatrice. Et en reprenant le dessin, mon trait a intégré le fait que le récit devenait plus curieux, plus sombre, plus inquiétant. Tout ça sans que je comprenne bien comment : tout à coup j’avais envie que du noir apparaisse. J’adore comment les trouvailles de couleur d’Isabelle Merlet s’y sont insérées, y ont pris du relief.»


Avec ses scènes de sexe explicites à ne pas mettre entre toutes les mains, il s’agit certes d’une BD adulte, mais pas érotique. «Ça nous a surpris d’avoir été parfois classé au milieu des BD érotiques, se souvient Laureline en riant. On a même eu des lecteurs qui se sont dits “abusés”, disant que ce n’était “même pas bandant”.» Une précision qui méritait d’être apportée. • 


Sébastien Le Jeune

Laureline Mattiussi, Sol Hess et Isabelle Merlet, «La Lionne, livre II» (Glénat/TreizeÉtrange), 64 p., 17,25€

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Photo : Le calme (?) au milieu de la tourmente pour la Lionne et son compagnon de fuite... La couleur signée Isabelle Merlet n’est pas étrangère au charme halluciné de l’aventure. © TreizeÉtrange