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Esprit de Sigma, es-tu là ? PDF Imprimer Envoyer
Jeudi, 14 Novembre 2013 18:00

En 1965, Roger Lafosse créait Sigma à Bordeaux. En 2011, deux mois avant son décés, il a légué les 25 ans d’archives du festival à la ville. Le CAPC, les Archives municipales et l’INA ont conçu une rétrospective de cette aventure qui ouvre ce soir à l’Entrepôt Lainé.


Sigma reste toujours présent dans les mémoires depuis son arrêt brutal en 1996 : jamais vraiment remplacé, il semble inscrit dans le génome de cette ville. C’était un ovni où toutes les disciplines artistiques étaient représentées. C’était aussi une époque. Celle des avant-gardes, de l’anticonformisme, des luttes minoritaires... Beaucoup d’artistes, tel Bartabas, y ont fait leur début. Rencontre avec Benoît Lafosse, le benjamin de la famille, photographe et enseignant à l’École des beaux-arts de Bordeaux. 



Vous aviez 9 ans lors de la première édition de Sigma en 1965… 

Oui. J’étais un spectateur privilégié. J’allais souvent aux répétitions après l’école et le soir j’assistais aux spectacles. À 9 ans, je manquais de référence pour comprendre ce qui se passait sous mes yeux. Mais j’ai compris par la suite que c’était justement l’absence de références qui caractérisait le festival. Les formes étaient nouvelles et les spectacles inédits. Il n’y avait aucune comparaison possible. En 1965 à Bordeaux, le Conservatoire conservait et l’Opéra lustrait son parquet. Avec Sigma, à peine avait-on ouvert les portes des théâtres qu’on était déjà dans la rue. 



Quelles étaient les particularités de Sigma ? 

Dans beaucoup de spectacles, le spectateur était acteur. C’était dérangeant. Je me souviens les premières années qu’une partie des gens étaient furieux et hurlaient leur mécontentement. Les bourgeois et les jeunes étudiants bourgeois étaient le plus souvent choqués. Il y avait aussi les militants marxistes qui ne voyaient pas les messages politiques des spectacles qui sifflaient en quittant leurs sièges bruyamment. Et il y avait ceux qui étaient fous de joie. Les émotions étaient extrêmes. C’est là où réside la singularité de Sigma. Le spectateur était tout sauf dans la quiétude. Il était dans l’inquiétude.



Comment Roger Lafosse découvrait-il les artistes ?

Il voyageait beaucoup. Il avait aussi de bonnes antennes à Londres, en Espagne et aux Etats-Unis, des personnes qui avaient compris ce qu’il attendait. 



Quel rapport avait-il avec les artistes ?

Il était très bienveillant à leur égard. Je le voyais lorsque il les retrouvait au « sigmarmite » tous les soirs, ils avaient l’air complices. Et puis les artistes étaient heureux de venir à Sigma parce qu’ils savaient qu’ils n’allaient pas être comparés. Ils venaient inventer et présenter leur création. 


Et avec Jacques Chaban-Delmas ? 

C’était plus qu’une complicité. C’était une association de bienfaiteurs ou de malfaiteurs. Chaban parlait d’« Opération Sigma ». Tous les ans, le festival était remis en question. Les budgets allaient-ils être reconduits ? Mon père le vivait très mal. Il était d’ailleurs toujours à cran. J’ai toujours connu cette instabilité. À la fin de chaque édition, le maire allait-il dire “bravo, on repart pour une année ou on arrête tout ?” Les festivals ont une existence fragile. Ils peuvent disparaître du jour au lendemain. On l’a vu avec Evento.



Quelles sont les raisons qui ont entrainé l’arrêt de Sigma, selon vous ? 

Je crois que c’est dû à une sorte d’incompatibilité entre lui et les gens de la culture à Bordeaux, la municipalité d’un côté et l’État, la Drac de l’autre. Tous étaient d’accord pour arrêter la machine en 1996. Mon père a vécu la fin des années 1990 de façon douloureuse. Il disait : « On est démodé ? Tant mieux, soyons démodés. » Il me semble aussi que l’époque était différente. Les attentes n’étaient pas les mêmes. Les années 1960 étaient loin. J’ajouterai que mon père, complexe, ne voulant rien négocier avec les politiques, souhaitait peut être arrêter l’aventure.



Un avis sur cette exposition au CAPC ? 

Je pense qu’il fallait attendre que mon père soit mort. Le connaissant, très critique, il n’aurait pas été un bon partenaire dans les réunions. Il s’est d’ailleurs toujours moqué de la muséographie. • 


Recueilli par Camille Carrau

Dès ce jeudi soir, jusqu’au 2 mars 2014, au CAPC. www.capc-bordeaux.fr


Ouverture percutante

Le vernissage public de l’exposition « Sigma » a lieu ce jeudi soir, à partir de 19h (entrée libre). Et comme l’exposition joue en quelque sorte le rôle de prélude à Novart (dont le véritable coup d’envoi aura lieu samedi), le festival de création contemporaine donne ses premiers coups de boutoir ce soir, au CAPC, dès 18h, avec « Bataille », première des “rencontres improbables” pilotées par Hamid Ben Mahi. Gros succès du Festival d’Avignon 2013, il confronte Hassan Razak, spécialiste de percussions corporelles, et Pierre Cartonnet, circassien et interprète fétiche de David Bobee, sur une chorégraphie de Pierre Rigal, entre danse contact et acrobatie. Entrée libre.

Photo : Sigma, de la création et de l’audace : ses arts vivants (Taller Amsterdam, en Une), ses happenings (en haut, à g., celui de Jean-Jacques Lebel sur les allées Tourny en 1966), ses concerts extraterrestres (Klaus Nomi et les Rita Mitsouko dès 1981)... En bas à dr., l’artiste Nicolas Schöffer avec Roger Lafosse. © Archives municipales de Bordeaux / DR

 

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