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Une Marche pour du Beur ? Entretien avec Rachid Taha PDF Imprimer Envoyer
Mercredi, 11 Décembre 2013 07:00

À la veille de son concert à la Rock School Barbey, Rachid Taha y intervient dès ce mercredi soir dans le cadre d’un débat des AOC de l’Égalité pour apporter son regard sur la “Marche des Beurs”, 30 ans après. Entretien.


Vous aviez 25 ans au moment de la Marche des Beurs. Quel souvenir en gardez-vous ?

D’abord un souvenir douloureux. Ça me rappelle cette époque de haine, de ratonnades, de bavures en série. Face à cela, heureusement, des jeunes se sont dressés, ont décidé de se prendre en main avec cette marche, une “copie conforme” de la Marche pour les droits civils de Martin Luther King. Je n’étais pas de la marche, mais tout le monde a embrayé : je crois que nous avons fait notre travail de républicains, de citoyens. C’est en face qu’ils n’ont pas su saisir l’occasion pour rassembler les Français, tous les Français.



Ça n’a donc rien fait avancer, à l’époque ?

Si, un peu, quelque temps. Le regard des gens a changé. Mais il y avait tellement de vautours autour qu’il y a eu une récupération du phénomène. À l’époque, mon groupe Carte de Séjour avait pour emblème une main inspirée de la main de Fatma et, quand SOS Racisme s’est montée [en 1984, ndlr] avec un logo proche, j’ai dit : “Méfiez-vous des imitations !” Je prédisais déjà que les Harlem Désir, les Julien Dray allaient devenir des cadres du PS, des députés. Et c’est ce qui s’est passé. 



Où en est-on, trente ans après ?

Les choses n’ont pas changé forcément pour le mieux. Parce qu’après la Marche des Beurs, au final, qu’est-ce qu’on a eu ? La généralisation de la carte de résident de 10 ans par Mitterrand, soit. Après, rien : la double peine, c’est sous Sarko, pas sous la gauche, qu’elle a été supprimée. Côté droit de vote des étrangers, on ne voit toujours rien venir... C’est quand même assez schizophrénique !

Tout ce que les politiques, les “professionnels de la profession”, les gouvernements ont réussi à faire, c’est à “algérianiser” les enfants de l’immigration : soit ils se replient vers l’Islam, soit ils se tournent vers l’étranger. Je reviens de Dubaï : là-bas, c’est plein de Français d’origine maghrébine bardés de diplômes, qui me disent qu’avec leur nom “à consonance”, ils ne trouvent rien en France... La France a beaucoup de talents, et pourtant elle réussit à en dégoûter certains, qui n’y trouvent pas leur place. Mais, pour que ça change, il faudrait que chacun respecte et applique la devise de la France, son “slogan” : « Liberté, égalité, fraternité ».



Vous vivez en France depuis l’âge de 10 ans, pourtant, vous n’avez toujours pas la nationalité...

C’est vrai. Mais c’est juste parce que je suis fainéant et que toute cette paperasse à remplir, c’est trop long et ça me casse les c... Ce ne sont que des papiers : je me sens vraiment français, un Français d’origine algérienne, un peu comme un Breton se sent breton et français. L’Algérie, c’est ma région, la France c’est mon pays. Quand je tourne à l’étranger, c’est sous “étendard” français, c’est la France que je représente.



Est-ce que, finalement, les artistes comme vous, l’ONB et autres Zebda ne sont pas ceux qui font avancer la cause de la tolérance ?

Au sens politique, pas directement. Mais ça fait avancer la culture, l’intelligence. La musique, ça a de tout temps été un métissage, un mélange d’influences. Ce que je fais n’est qu’un prolongement. Alors quand, pour un concert, j’arrive à rassembler, à faire venir des gens qui ne sont pas de ma “communauté”, je me dis que c’est bien, qu’on avance ensemble.



Jusqu’ici, on avait l’impression d’une scission musicale : les deux « Diwân » avec le chaâbi que vous avez contribué à remettre au goût du jour, et les autres albums solo, plus rock avec des touches orientales. « Zoom » paraît équilibrer parfaitement les deux, à quoi est-ce dû ?

Cette musique de mes racines, elle est toujours en moi, elle fait partie de moi. Tous les jours, j’écris une chanson, tous les jours elle est différente. En tournée, j’ai eu l’occasion de rencontrer Robert Plant [l’ex-Led Zep’], qui m’a présenté son guitariste, Justin Adams : il me connaissait depuis ma version de « Rock El Casbah » et, lui, de son côté, avait travaillé avec des musiciens sahraouis. Je l’ai invité chez moi, à écouter le son de mon petit bazar, de ma petite épicerie, je lui ai dit "je suis désorienté, oriente-moi" et il a servi en quelque sorte de catalyseur pour réussir ces mélanges.



Une petite dernière : le Couscous Clan, le groupe que vous avez monté avec Rodolphe Burger, c’est juste pour la déconne ?

Oui et non. C’est vrai qu’au départ c’était pour rigoler : c’est né d’une idée incongrue, de faire de la reprise de rock à notre sauce, plus quelques compos, une sorte de Velvet Couscous. Mais on a déjà un peu tourné, on nous le demande. En ce moment, on a chacun nos propres projets mais, quand j’aurai fini la tournée de « Zoom » et l’enregistrement de « Diwân 3 », à un moment ou un autre, on enregistrera quelque chose... •

Recueilli par Sébastien Le Jeune

En débat ce mercredi soir (lire ci-contre), et en concert demain jeudi, à Barbey, 20h30, 23€ (préventes réseaux habituels)-25€ sur place.
www.rockschool-barbey.com

 

AOC de l'Égalité : Final en fanfare
L’heure du grand final a sonné pour cette 6e édition des AOC de l’Égalité organisées par l’Alifs, qui investit coup sur coup deux salles de la Smac d’Agglo. Ce mercredi soir, outre Rachid Taha, on entendra en débat le sociologue François Dubet, l’artiste Mr Rocket ainsi que Samia Chala, membre du trio de réalisateurs du doc « Les Marcheurs : chroniques des années beur », projeté en amont du débat. C’est à Barbey, dès 19h, en entrée libre.
Vendredi, on basculera au Rocher de Palmer, à Cenon, pour une « Nuit de l’Égalité ». En point d’orgue, le concert de l’Orchestre National de Barbès (qu’on pourra rencontrer en amont, à 18h, au Forum Fnac du Rocher), mais pour le même prix (13€ réduit, 15€ préventes réseaux habituels, 17€ sur place), entre 20h30 et 1h, on aura droit aussi à une carte blanche au chorégraphe des Associés Crew, Babacar Cissé, et à des projections de films et de documentaires. D’ici-là, en accès libre au Rocher, l’expo « 13 siècles de présence arabo-orientale ».
www.aocegalite.com

Photo : En 1986, avec Carte de Séjour, Rachid Taha faisait un tabac avec la reprise de « Douce France » de Trénet. © Marc-Antoine Serra

 

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