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Laurent Marti : « Je commence à m’inquiéter » PDF Imprimer Envoyer
Vendredi, 03 Mai 2013 05:00

Assurée de se maintenir en Top 14 depuis deux journées, l’UBB joue demain son dernier match de la saison à Clermont (14h45).

A la tête du club depuis 2006, Laurent Marti évoque cette saison contrastée, où l’Union est passée tout près du vide avant de s’offrir une fin de championnat en boulet de canon. Dans un contexte économique délicat, le président cherche à faire encore grandir son club mais ne cache pas ses craintes au sujet du projet de futur stade, actuellement au point mort. 


Laurent, on dit souvent que la 2e saison est plus compliquée que la 1re pour un promu. Ça a été le cas…

Oui, on s’en doutait. Le recrutement, l’an dernier, avait consisté à conserver les meilleurs joueurs. Quand on est arrivé sur le marché, il nous restait peu de moyens et il n’y avait plus de belles opportunités sauf deux, exceptionnelles, Talebula et Poirot, qui à elles deux ont sauvé le recrutement. Mais on s’attendait à ça. La différence avec notre première année, c’est que j’ai pu démarrer plus tôt sur le recrutement et que j’ai pris d’autres risques pour attirer les joueurs qu’on souhaitait. Il faut trouver les joueurs, les convaincre de venir malgré l’incertitude concernant le maintien en Top 14. Donc il faut se montrer convaincant et prendre un risque financier. Ce risque, c’est que je leur garantissais qu’en cas de descente, ils pouvaient quitter le club mais que nous, nous étions obligés d’honorer leur contrat à la même hauteur financière. J’ai pris un risque très important car si on était descendus, ça aurait pu me couter très très cher…

Ce risque, ce n’est pas le premier que vous prenez à la tête du club… C’est un peu l’histoire de votre parcours depuis que vous êtes président.

Oui, j’en ai pris beaucoup et ça m’a coûté. Mais le résultat sportif et humain est fantastique. J’ai très vite compris qu’ici il y a un énorme potentiel, beaucoup d’amour pour le rugby mais que les décideurs n’en font pas une priorité. Je me suis dit que je devais prendre mes responsabilités et leur démontrer qu'il y a une énorme envie et que l’on peut vivre des moments fabuleux. Aujourd’hui, on est LA manifestation à Bordeaux, celle qui réunit le plus de monde et qui rend les gens les plus heureux.

L’Union s’est sauvée plus tôt cette saison que la précédente. Cela a-t-il permis de mieux préparer la saison prochaine ?

Pour préparer sereinement, il faut être sauvé en décembre. Finalement, ça n’a pas changé grand chose au recrutement. Ça a surtout soulagé notre cœur. Il y a un paradoxe d’une saison à l’autre. On se sauve plus tôt mais on a gagné moins de matchs (8 victoires contre 12 la saison dernière, ndlr) alors qu’on a des meilleures statistiques à tous les niveaux : en touche, en conquête, en attaque, en défense, en points de bonus. L’an dernier, on était brillants puis ridicules. Cette année, on n’a jamais été ridicules et souvent brillants. Mais on n’a eu moins de réussite. Mais bon, le résultat nous satisfait pleinement.

Ce type de saison permet au club, à l’équipe, de continuer à apprendre le rugby de haut niveau ?

La mission que j’avais confiée aux entraineurs était de garder ce que l’on faisait de bien, c’est à dire de bien jouer, mais aussi de rectifier nos grosses lacunes. On jouait parfois comme des juniors. On relançait tous les ballons, on attaquait de notre camp, on était incapables de conserver un point de bonus offensif ou défensif. Donc il fallait améliorer l’alternance dans le jeu, la conquête, la défense et le jeu au pied. Les entraineurs ont travaillé dur et ont obtenu des résultats.

Le jeu de l’Union, son état d’esprit, sont loués partout en France. C’est aussi à ce niveau là que se situe la satisfaction ?

Je suis un passionné de ce sport et j’ai toujours essayé de recruter des entraineurs portés sur le jeu. Etcheto, Delpoux, Sonnes, Ibanez, Armand, ce sont des gens qui ont une culture rugbystique tournée vers le jeu. Ma conception du rugby, c’est qu’il faut se faire des passes et jouer les intervalles plutôt que le mur et qu’à partir de là, on peut obtenir des résultats.

Le nouveau staff, avec la première expérience sur le banc de Raphaël Ibanez, là aussi c’était une prise de risque. Il y a eu des inquiétudes lorsque l’équipe a perdu 11 matchs consécutifs au cœur de l’hiver.

Je souris intérieurement car depuis que je suis président de l’UBB, je suis critiqué. Quand j’ai pris Etcheto qui descendait en Fédérale 2 avec le Boucau et qui traînait une réputation de dilettante, on m’a dit que c’était n’importe quoi. Quand je suis allé chercher Marc Delpoux, qui était au chômage et dont personne ne voulait en France, on m’a dit que c’était du grand n’importe quoi. Quand j’ai pris Laurent Armand en Fédérale 3 avec Arcachon, on m’a dit qu’il ne serait pas au niveau. Pour Ibanez, on m’a dit « il est inexpérimenté, il va se planter.» Régis Sonnes était catalogué lui aussi d’ancien dilettante… Enfin, je suis habitué et c’est marrant parce qu’on me le dit avant la saison, pendant la saison, le temps que cela se mette en place, et à la fin, les gens disent que ce sont d’excellents entraineurs.

Il y a quand même eu des inquiétudes quand l’Union ne parvenait plus à gagner ?

Oui, mais inquiets, on l’est depuis la saison dernière parce qu’on n’a pas de marge de manœuvre. Mais moi, je sais qu’il y a un supplément d’âme dans ce club. Il y a un état d’esprit qu’il n’y a pas partout et des joueurs d’exception. Sans ces joueurs d’exception, il n’y a ni bon entraîneur, ni bon président.

Concernant les transferts, il va y avoir 18 départs et 15 arrivées. L’idée, c’est de tout casser et de reconstruire ?

A chaque fois que l’on franchit un palier, il y a un renouvellement de l’effectif qui doit se faire, donc se séparer de ce qui ne peuvent pas amener un plus et essayer de remplacer par ceux qui en amèneront un. Ça fait partie des paliers qu’on a eu. Le premier, c’était la montée, le deuxième c’est maintenant. L’objectif, l’an prochain, c’est de se mettre à l’abri plus tôt. Mais ça va être encore très compliqué et peut-être que l’on sera contents de se maintenir à la dernière journée l’an prochain. Mais on aimerait avoir plus de confort pour mieux travailler et se sauver plus rapidement.

Quel a été le parti pris dans ce recrutement ?

La base de la réussite, c’est le recrutement. J’ai encore passé tout mon hiver à regarder peut-être 200 matchs et à faire jouer tous mes réseaux car c’est LE recrutement qui fait la différence. On a ciblé la puissance, ce qui nous faisait défaut, et on met toujours un point d’honneur à faire venir des garçons qui ont un bon état d’esprit.

Cette implication dans le recrutement, c’est aussi une de vos marques de fabrique.

Je suis effectivement en première ligne dans ce domaine, ce qui soulage les entraineurs. Ils me font confiance. Je travaille beaucoup mais je partage au fur et à mesure toutes les informations avec eux et je prends rarement une décision contre leur avis, même si c’est déjà arrivé. Et je prends aussi un joueur si l’entraîneur le veut et que je ne suis pas convaincu.

Le budget était cette année de 11M€, l’objectif est de passer à 12,5M€ l’an prochain. On a l’impression que le club est encore en construction…

On a toujours opéré par paliers. Les deux premières années, l’objectif était le maintien. On voulait voir si on pourrait trouver ces 11 M€, on les trouve depuis deux ans donc c’est intéressant. Maintenant, je pense que si on avait pas été ambitieux sur le recrutement et qu’à nouveau on ait été en danger sur le maintien, on aurait fini par décourager les bonnes volontés. Donc on a pris des risques, on a recruté mieux et pour ça, il faut plus d’argent. Là, on sait qu’on a 1,5M€ à aller chercher l’an prochain, j’espère qu’on va les trouver.

On a aussi le sentiment que dans ce domaine, le club peine à franchir un palier, que les soutiens économiques manquent…

Il n’y a rien de facile ici… Quand on regarde d’autres clubs, on se rend compte qu’il y a soit une volonté politique qui fait de ce sport une priorité dans la ville. Ce n’est pas le cas ici. Soit il y a un énorme mécène autour, ce n’est pas notre cas non plus. Soit parfois c’est un conseil d’administration très fort avec beaucoup de réseaux et de lobbying, ce n’est pas notre cas même si on travaille beaucoup. On n’a rien de tout ça mais par contre, on a ce que je trouve essentiel, cet amour autour du club et ce peuple girondin qui nous suit et nous accompagne. Manifestement, ça ne suffit pas encore. Donc on prend notre bâton de pèlerin. On est habitués à se battre. On a eu l’idée de monter à Paris, là où il y a le plus de décideurs en France, pour rencontrer des chefs d’entreprises. C’est plutôt positif mais c’est un travail de longue haleine. Quand on sort d’une réunion comme ça, il y a rarement du concret. On signe pas de contrat en sortant. Pendant trois ans à Bordeaux, j’ai le souvenir d’avoir multiplié les interventions et à la fin, je me demandais ce qui pourrait en ressortir. Souvent, pas grand chose à part que l’on construisait notre image. Comme on l’a fait à Bordeaux, il faut le faire à Paris plus souvent.

Le dossier du stade est essentiel pour l’avenir du club. Lundi, lors du conseil municipal de Bordeaux, Alain Juppé a déclaré : « en 2016, l’UBB n’ira plus à Chaban-Delmas. » C’est une porte qui se ferme…

Ça me fait de la peine de voir tout ce que l’on a fait depuis des années - on est deuxième affluence française - et qu’on puisse nous dire qu’on ne veut pas du rugby à Chaban. Mon rôle de président, c’est de faire en sorte qu’il y ait un stade à hauteur de nos ambitions. A Bègles, Noël Mamère s’est levé depuis déjà trois ans pour dire qu’il faut anticiper. Il faut lui reconnaître ce mérite. Mais je commence à m’inquiéter fortement parce que je vois que cela n’avance pas ici, qu’on ne sait toujours pas comment on va financer, que c’est compliqué parce que cela appartient au CAB omnisport et qu’il veut rémunérer ses biens. Enfin, ça commence à me fatiguer au plus haut point ! On va rester calme mais en temps voulu, on mettra les pieds dans le plat. Et si on m’explique qu’on ne veut pas faire d’effort particulier pour un sport majeur, qui est celui qui réunit le plus de Bordelais, eh bien... On verra ce que l’on pourra faire…

Le sujet semble vous agacer…

Oui car on a réalisé des choses magnifiques sur le plan humain depuis quelques années et si je m’aperçois que l’on n’en veut pas, ça m’ennuie beaucoup.

Se fixer au stade Chaban-Delmas, c’est une idée qui vous plaisait ?

Ce que je vois, c’est qu’elle plaît à tous les Bordelais puisqu’ils y viennent nombreux ! Le stade a des avantages, il est historique, très sympathique, il y règne une ambiance terrible, il est bien positionné. Il a aussi des inconvénients car il est un peu obsolète. Après, un stade à Bègles agrandi et plus moderne, ça me plairait aussi. Mais ce que je constate, c’est qu’une des deux solutions que l’on avait est morte.

Quand vous faites le bilan de votre présidence, le chemin parcouru de la pro D2 au Top 14, qu’en retenez-vous ?

J’ai un défaut, c’est que je ne savoure jamais longtemps l’instant présent. Quand je vois le stade plein, tous ces drapeaux, cette ambiance, je me pince encore et je me dis que je vais me réveiller. C’est un rêve éveillé mais ça ne suffit pas. Je me dis que c’est génial mais qu’il ne faut pas s’arrêter là. Malheureusement, je ressens au fond de moi que tant qu’on n’aura pas eu le titre suprême, je ne pourrai pas être comblé. Je ne sais pas si on y arrivera mais on en a vraiment envie. A quoi cela sert d’être président d’un club professionnel si on se dit qu’on va être moyen toute sa vie ? Quand on s’inscrit dans une élite, c’est pour aller le plus haut possible. •

Recueilli par Olivier Saint-Faustin

Photo : Les incertitudes au sujet du futur stade de l’Union commencent à «fatiguer» le président de l’Union Bordeaux-Bègles © OSF

 

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