C’est une affiche de prestige que les Girondins auraient sans doute préféré préparer dans un contexte plus serein. Ce soir, Bordeaux accueille le champion en titre parisien et, alors qu’il ne s’agit que de la cinquième journée de la saison, Cédric Carrasso et ses partenaires savent qu’ils seront déjà attendus au tournant.

Depuis quinze jours, les interrogations vont bon train au sujet d’une équipe qui reste sur une prestation préoccupante à Saint-Etienne (défaite 2-1) et une fin de mercato tout aussi inquiétante, avec le départ du capitaine Jaroslav Plasil, l’un des hommes clé du système mis en place par Francis Gillot depuis deux ans.
Beaucoup s’accordent à dire que Bordeaux s’est affaibli durant l’intersaison, avec les départs de Trémoulinas, Modeste et Marange, et les seules arrivées de Orban et Brechet. Où vont les Girondins ? Quelles ambitions peuvent-ils nourrir ? Certains supporters, inquiets, ont lancé une pétition sur internet pour réclamer «un renouveau du FCGB». La direction y est pointée du doigt et hier après-midi, celle-ci comptait près de 3900 signatures. C’est peu mais cela traduit tout de même le ras-le-bol que l’on ressent régulièrement dans les travées du stade Chaban-Delmas, où l’on charrie abondamment la pauvreté du spectacle proposé et l’absence présumée d’ambition de la part de l’actionnaire majoritaire du club, M6.
Conscients de ce contexte pesant - à Bordeaux, on ne parle jamais de crise, surtout si tôt dans la saison -, les joueurs et le coach ont tenu mercredi, lors du traditionnel point presse d’avant-match, à répondre à leur manière aux critiques qui pleuvent sur eux. Des propos souvent réalistes donc rarement rassurants...


« Il faut être patient »

Au moment d’évoquer les inquiétudes des supporters, Francis Gillot n’a pas mâché ses mots : «aujourd’hui, si on n’a pas conscience du décors en L1, c’est grave, attaque le coach. Il y a deux équipes au dessus du lot (Paris et Monaco, ndlr) car deux milliardaires ont pris ces équipes. Il faut prendre conscience que les deux premières places seront compliquées à aller chercher. Il faut se faire une raison. (...) Après, il faut se contenter des miettes, la Coupe de la Ligue et la Coupe de France. Le titre de champion, c’était il y a 5 saisons, c’est terminé, il faut tourner la page. Même si M6 décide d’injecter un peu d’argent, même 10 ou 20 M€, ce ne sera même pas suffisant, ça ne concurrencera pas Monaco et Paris. La stratégie de M6, c’est de faire avec ce qu’on a. On va faire le maximum et peut-être qu’on aura une ou deux des miettes qu’il restera en fin de saison.»
Cédric Carrasso, désormais capitaine depuis le départ de Jaroslav Plasil, et Ludovic Obraniak, demandent eux «de la patience» aux supporters. «Il ne faut pas tomber dans la sinistrose au bout de 4 journées, tempère l’international polonais. Je peux comprendre la déception des supporters qui ont eu des années caviar ici, qui ont connu des grands matchs de Ligue des Champions, des titres. Il faut qu’ils comprennent qu’on était à la fin d’un cycle, et on en entame sûrement un nouveau. Il y a des jeunes qui arrivent, il y a une transition qui fait que les résultats ne sont peut être pas à la hauteur de ce qu’ils peuvent attendre. Je leur demande d’être patient. Nous, joueurs, on essaie de tout mettre en œuvre pour que ça se passe le mieux possible et on va essayer de rebondir dès vendredi (ce soir, ndlr) pour leur montrer qu’on est vraiment motivés pour cette année.» «On peut comprendre les supporters, appuie Cédric Carrasso. Depuis quelques années, on faisait partie des grosses équipes, on a perdu des joueurs de haut niveau. Après, il faut savoir différencier le sportif et le hors terrain. Les dirigeants ont des obligations financières, il y a des restrictions. Il faut s’adapter. Si demain Bordeaux rentre dans son nouveau stade avec une équipe jeune, qui aura bien travaillé, qui arrivera à maturité et que le club a des finances saines, tant mieux. (...) Il faut être patient, voir comment va se passer la saison, les prochaines années, avec ce nouveau stade qui arrive... Il va y avoir un nouvel élan à Bordeaux et ça démarre avec une base saine.» Objectif 2015, date annoncée de l’entrée dans le nouveau stade ? La stratégie est cohérente mais d’ici là, le temps pourrait paraître long aux fans de l’équipe au scapulaire...



Des Bordelais « revanchards »

En attendant, il y a une saison à jouer et un match à ne pas rater face aux stars parisiennes. Pour Ludovic obraniak, cette affiche est «l’occasion rêvée» de rebondir après la pâle copie rendue à Saint-Etienne. «On se rend compte qu’on est une équipe qui avance à coups de bâtons, regrette le milieu de terrain. On a à chaque fois besoin d’une piqûre de rappel pour rebondir. Comme l’an dernier, on est plus dans la réaction que dans l’action. (...) On se doit d’être à 100% de notre potentiel individuel et collectif pour pouvoir inquiéter une équipe dont on peut prévoir qu’elle sera championne.» «Contre une équipe comme ça, la moindre erreur ne pardonne pas, prévient Francis Gillot. On est conscient de la difficulté de la tâche mais on est tellement revanchard que ça peut nous aider à avoir ces 10% en plus pour gagner ce match.»

Après le revers dans le Chaudron, beaucoup de discussions ont animé le vestiaire bordelais. Le coach a pointé le manque d’agressivité dans les duels, le nouveau capitaine, lui, a insisté sur le manque de communication entre joueurs, notamment dans la préparation du match. Ce sont quelques-uns des maux récurrents de cette équipe, mais pas les seuls, et ils permettent d’affirmer qu’un succès ce soir face à Ibrahimovic, Cavani et consort, serait bel et bien un exploit. •

OSF

Photo : Pour Francis Gillot, Bordeaux doit «tourner la page» du titre de champion acquis en 2009 et désormais «se contenter des miettes» que laisseront Paris et Monaco dans leur sillage © ARCHIVES BORDEAUX 7